Conférence : Entrons enfin dans l'ère électrique

Contrats long terme, actualisation et partage de risque : une lecture industrielle des limites du modèle post-ARENH.

Il s’agit d’une argumentation solidement structurée, qui expose avec clarté et justesse les positions des industriels face aux nouvelles propositions contractuelles en matière de fourniture d’électricité.

En articulant les enjeux autour du partage des risques, de la compétitivité des conditions tarifaires et de la cohérence des orientations publiques, cette analyse donne une expression articulée à des préoccupations à la fois économiques, stratégiques et industrielles.

Elle traduit une exigence de rééquilibrage contractuel, fondée sur des principes de responsabilité du producteur, de lisibilité des prix et d’adéquation aux contraintes opérationnelles des entreprises.

Ce faisant, elle formule une critique argumentée des dispositifs institutionnels en vigueur, au nom d’un réalisme économique revendiqué et d’un pragmatisme assumé face aux défis de la réindustrialisation.

Lors de son audition à l’Assemblée nationale, Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, a rejeté les nouvelles offres d’EDF portant sur des contrats de production nucléaire post-ARENH, les jugeant défavorables aux industriels. Il dénonce un partage de risque déséquilibré, où l’industriel devrait assumer les aléas de production nucléaire, et critique un tarif à 70 €/MWh, qu’il considère trop élevé. Il préfère des solutions comme Exeltium à 55 €/MWh. Enfin, il déplore une politique énergétique coûteuse pour des gains marginaux en CO₂, appelant à davantage de réalisme et de flexibilité dans l’effort de décarbonation.

Deux arguments structurants méritent d’être développés, tant ils permettent de comprendre la réticence exprimée par les industriels à l’égard des nouveaux dispositifs contractuels envisagés dans le cadre de la réforme post-ARENH.

En premier lieu, il convient de s’interroger sur la logique économique qui conduirait un industriel à s’engager dans un contrat de long terme, alors même que les prix de gros de l’électricité observés sur les marchés sont, de manière persistante, inférieurs au tarif proposé dans le cadre de ces contrats bilatéraux.

Ce n’est pas seulement un raisonnement fondé sur l’optimisation immédiate : il s’agit d’un arbitrage intertemporel, où intervient de manière déterminante la notion de taux d’actualisation.

Les industriels, en raison de leur exposition constante à la concurrence, de leurs contraintes de rentabilité et de leurs objectifs de retour sur capital, appliquent un taux d’actualisation plus élevé que celui des entités publiques.

Autrement dit, le présent a plus de valeur que le futur, et un engagement sur une trajectoire de prix figée à un niveau élevé n’est acceptable que s’il est assorti de contreparties substantielles en termes de sécurité d’approvisionnement, de stabilité contractuelle et de visibilité réglementaire.

En second lieu, la question du partage du risque de production avec EDF appelle une analyse critique.

En l’état, les termes contractuels proposés impliquent que le client industriel endosse une part du risque lié à la disponibilité du parc nucléaire, sans pour autant disposer d’aucun levier de contrôle ou de supervision sur les installations concernées.

Une telle configuration rompt avec les principes fondamentaux des relations fournisseur-client, selon lesquels la responsabilité des risques doit incomber à celui qui en détient la maîtrise opérationnelle.

Exiger d’un consommateur qu’il partage un risque de performance technique, qu’il ne peut ni anticiper ni infléchir, revient à créer une asymétrie contractuelle contraire aux bonnes pratiques de l’économie de marché.

Plus largement, cette approche pose la question du sens même de la contractualisation à long terme dans un contexte de forte incertitude sur la trajectoire des prix, sur la régulation à venir, et sur la capacité du parc nucléaire à répondre durablement aux engagements pris.

Dans ces conditions, les industriels privilégieront naturellement des solutions qui préservent leur flexibilité et leur capacité d’adaptation, telles que les achats sur les marchés organisés ou la participation à des dispositifs mutualisés comme Exeltium, dont les conditions sont mieux alignées avec leurs contraintes économiques réelles.

Ainsi, les objections formulées ne relèvent ni d’un rejet dogmatique, ni d’un opportunisme conjoncturel.

Elles s’inscrivent dans une démarche cohérente, rationnelle, et fondée sur une lecture lucide des mécanismes contractuels, des rapports de responsabilité, et des équilibres économiques nécessaires à la compétitivité industrielle.


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