Bâtiment EDF

Le retour déguisé de l’ARENH : quand la vente du nucléaire au coût de production devient la norme.

On redécouvre l’eau tiède : donc, l’ARENH !

Obliger EDF à vendre son nucléaire au coût de production, et non au prix du marché, c’est le principe de l’ARENH — à ceci près que le prix serait de l’ordre de 60 euros, au lieu de 42.


Quel dispositif est prévu pour empêcher EDF de vendre son nucléaire à son coût de production lorsque le prix de marché est supérieur — c’est-à-dire au moment où ce nucléaire serait vendu à ses concurrents ?


Oui, cela rappelle très clairement les débats ayant précédé l’instauration de l’ARENH.

On assiste, en réalité, à une forme de redécouverte de l’eau tiède, autrement dit à une réactivation, à peine déguisée, des principes mêmes qui ont présidé à la création de l’ARENH en 2010 : garantir aux consommateurs français un accès pérenne et équitable à l’électricité nucléaire historique, tout en assurant une conformité minimale au droit européen de la concurrence.


Article premier N°CE154 de l'assemblée Nationale du 28 mai 2025 : Portrait programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie (n°463)

Monsieur Fabien Choné, président des sociétés FABELSI, CALOPTIM, 1725 et HGD, cofondateur et directeur général de Direct Énergie de 2003 à 2019, puis cofondateur et président de l’ANODE de 2006 à 2018, affirme dixit :

« Il va de soi que le volume de production vendue doit correspondre au volume effectivement produit. Il va de soi également que tous les acheteurs — y compris le fournisseur historique EDF — doivent assumer le risque de disponibilité, et en répercuter le coût sur leurs clients. »

Il rappelle à ce titre que l’amendement récemment introduit précise que les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) doivent refléter l’intégralité des coûts du système électrique français, sans exception.

Poursuivant son raisonnement, il affirme :

« J’irai même plus loin : les fournisseurs doivent aussi supporter le risque lié à la non-compétitivité éventuelle du parc nucléaire, et en reporter le coût sur leurs clients dans le cadre d’un contrat pour différence (CfD), autrement dit d’un ARENH symétrique — désormais autorisé par la nouvelle directive européenne. »

Et de conclure par une mise en garde explicite :

« Ceux qui s’opposent à cette orientation risquent, en cas d’effondrement des prix de marché, de jouer un bien mauvais tour à EDF. »

Le point central est le suivant :

EDF ne pourra pas vendre au détail, à ses propres clients finaux, une énergie qu’elle produit en monopole sur cette filière — et en position ultradominante sur le marché de la production — à un prix inférieur à celui auquel elle la proposerait en gros à ses concurrents sur le marché de détail français. Mais elle ne peut pas non plus réserver cette énergie, sur le marché de gros, aux seuls fournisseurs de clients français, et encore moins, une fois vendue, les contraindre à la revendre effectivement à des clients situés en France. Bref, on en revient à la nécessité de concevoir un mécanisme spécifique permettant de réserver les bénéfices du parc de production nucléaire aux seuls consommateurs français — quel que soit leur fournisseur —, et qui soit explicitement validé par Bruxelles.

Quel dispositif est prévu pour empêcher EDF de vendre son électricité nucléaire à son coût de production lorsque le prix de marché est supérieur — autrement dit, précisément dans les périodes où cette électricité est susceptible d’être cédée à ses concurrents ?

Cette question, en apparence technique, renvoie en réalité à l’un des enjeux structurants de la future régulation du secteur électrique français, dans un contexte post-ARENH.

Elle soulève une problématique fondamentale : comment éviter qu’EDF, producteur historique en situation de monopole sur la filière nucléaire et acteur ultra-dominant sur le marché de la production, ne pratique des prix de cession discriminatoires en faveur de ses propres clients, au détriment des fournisseurs alternatifs ?

Autrement dit, comment garantir que l’électricité nucléaire ne soit pas vendue à un tarif préférentiel en détail tout en étant proposée à un prix plus élevé en gros — précisément lorsque l’écart entre le coût de production et le prix de marché est favorable à EDF ?

Une telle asymétrie tarifaire serait à la fois économiquement inéquitable et juridiquement problématique, notamment au regard des règles européennes encadrant les abus de position dominante (article 102 du TFUE).

L’enjeu est double :

  1. Préserver une concurrence équitable sur le marché de détail, en empêchant EDF de tirer parti de sa position intégrée pour pratiquer des politiques tarifaires différenciées selon la nature du client (interne ou externe).
  2. Garantir un accès transparent et non discriminatoire à la rente nucléaire pour l’ensemble des consommateurs français, quel que soit leur fournisseur, conformément à l’objectif d’ouverture du marché.

Dans cette optique, plusieurs dispositifs sont envisageables, mais tous requièrent une régulation ex ante des prix de cession :

À défaut d’un tel encadrement, EDF conserverait une latitude tarifaire lui permettant de capturer l’essentiel de la rente nucléaire à son seul bénéfice commercial, tout en restreignant la capacité effective des fournisseurs alternatifs à proposer des offres compétitives à prix fixe.

Autrement dit, sans dispositif contraignant, l’entreprise historique pourrait exploiter l’écart entre son coût de production nucléaire et le prix de marché pour renforcer ses parts de marché au moment même où la rente est la plus élevée — vidant de sa substance toute logique concurrentielle.

Ma question est la suivante : tous les clients finaux ayant recours à de l’électricité d’origine nucléaire auront-ils accès, de droit, au Versement National Universel (VNU), ou EDF conservera-t-elle la possibilité de conclure des contrats de gré à gré, à des prix librement négociés mais fondés sur une référence calée sur le coût du nucléaire régulé ?

En d’autres termes, le VNU — qui vise à garantir une forme de régulation des revenus issus de la production nucléaire historique — constituera-t-il le seul cadre contractuel applicable à la commercialisation de cette électricité, ou bien ne représentera-t-il qu’une modalité parmi d’autres, ouvrant la voie à une segmentation des offres selon la typologie des clients (particuliers, industriels, électro-intensifs, etc.) ?

Cette distinction est cruciale, dans la mesure où le prix de vente dans le cadre du VNU pourrait, selon les paramètres retenus, excéder le coût réel de production du parc nucléaire amorti, laissant à EDF une marge régulée, mais potentiellement significative.

Il convient donc de préciser si le Versement National Universel s’imposera à l’ensemble des volumes de production concernés — assurant ainsi transparence, universalité d’accès et égalité de traitement entre les acheteurs — ou si, au contraire, EDF sera en mesure de négocier, en dehors du dispositif, des contrats bilatéraux indexés sur une logique de coût, mais non encadrés par la régulation tarifaire prévue par le VNU.

Cette clarification est d’autant plus nécessaire qu’elle conditionne les règles de concurrence sur le marché de détail, la prévisibilité des charges pour les clients grands consommateurs, ainsi que **la nature même du signal prix envoyé par le nucléaire historique dans la construction du mix électrique national.


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