L’impact de l’amortissement comptable en période de forte inflation : superprofits artificiels et défis de valorisation des investissements dans l’industrie nucléaire.
Résumé :
En période de forte inflation, les pratiques comptables traditionnelles, notamment l’amortissement comptable des équipements, peuvent induire des superprofits artificiels.
Ces derniers sont générés par la différence entre la valeur comptable de l’équipement ancien et son coût de remplacement réel, ce qui engendre des taxes disproportionnées alors que le coût réel du remplacement des équipements est nettement supérieur à leur valeur initiale.
De plus, l’écart entre la durée de vie économique et la durée de vie comptable accentue cette distorsion, avec des amortissements réalisés plus rapidement que l’utilisation effective des équipements.
Cet article explore les implications de ces mécanismes dans le cadre du calcul des coûts de production nucléaire, en particulier à travers l’exemple de la gestion des coûts par EDF et la régulation par la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Introduction :
Les principes comptables d’amortissement sont au cœur des pratiques financières des entreprises, en particulier dans le secteur énergétique où les investissements en infrastructures lourdes sont fréquents.
Toutefois, en période de forte inflation, la méthode de l’amortissement comptable, utilisée pour déterminer la valeur d’un équipement, peut mener à des superprofits artificiels.
Ces superprofits, qui ne reflètent pas une rentabilité réelle, peuvent être taxés, engendrant ainsi une distorsion entre la rentabilité apparente d’une entreprise et sa réalité économique.
Ce phénomène est d’autant plus pertinent dans le cadre de l’industrie nucléaire, où les coûts de remplacement des équipements sont considérables.
La mécanique des superprofits artificiels :
L’inflation entraîne une hausse des coûts de remplacement des équipements.
Par exemple, un équipement ayant une valeur comptable de 100 peut être remplacé par un équivalent coûtant 150.
L’amortissement comptable de cet équipement ancien, calculé sur sa valeur initiale, crée une distorsion par rapport à la réalité économique, en augmentant artificiellement les profits apparents de l’entreprise.
Ces profits, dits superprofits, sont alors soumis à une taxation, bien que leur existence soit due à un écart comptable et non à une véritable augmentation de la rentabilité.
Le phénomène des superprofits artificiels est accentué par le choix de la méthode de valorisation des investissements.
En effet, l’évaluation des investissements basée sur leur valeur comptable (et non sur leur valeur de remplacement) ne reflète pas la réalité du marché.
Alors que l’équipement initial est amorti selon sa valeur comptable, le coût de son remplacement, bien plus élevé, n’est pas pris en compte dans ce calcul.
Durée de vie économique vs. durée de vie comptable :
Un autre facteur aggravant est le décalage entre la durée de vie économique et la durée de vie comptable.
En général, la durée de vie économique d’un équipement est supérieure à sa durée de vie comptable.
Autrement dit, les équipements continuent de fonctionner bien après leur amortissement comptable complet.
Ce phénomène est particulièrement notable dans les secteurs à capital fixe important, comme celui de l’énergie nucléaire.
Lorsque l’on amortit un équipement rapidement tout en continuant à l’utiliser, cela génère des superprofits.
Ces superprofits ne sont pas représentatifs de la rentabilité réelle, car ils sont basés sur un amortissement accéléré qui ne correspond pas à l’utilisation effective de l’équipement.
L’entreprise continue d’exploiter un équipement dont le coût de remplacement a considérablement augmenté, mais elle bénéficie de taxes réduites sur la base d’un amortissement non représentatif de la réalité.
L’approche de la CRE et d’EDF :
Dans le contexte de l’industrie nucléaire française, ce mécanisme d’amortissement trouve une illustration concrète dans le calcul des coûts de production du parc nucléaire historique d’EDF.
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a choisi de maintenir une méthode d’amortissement comptable pour l’évaluation des coûts de production nucléaire, excluant les ajustements extracomptables qui avaient été pris en compte précédemment.
Cette méthode est destinée à établir les seuils de taxation dans le cadre du mécanisme post-Arenh, qui entrera en vigueur en janvier 2026.
Cependant, cette approche présente plusieurs défis : l’évaluation des investissements selon leur valeur comptable peut mener à une sous-estimation des coûts réels de remplacement des équipements.
En effet, la CRE et EDF se basent sur des hypothèses distinctes, en particulier sur le taux d’actualisation et les risques associés à ces investissements.
Conclusion :
L’amortissement comptable, bien qu’étant un principe fondamental de la comptabilité, peut entraîner des distorsions dans la rentabilité apparente des entreprises en période de forte inflation.
Les superprofits artificiels, générés par l’écart entre la valeur comptable des équipements et leur coût de remplacement, sont un exemple de ce phénomène, et leur taxation peut fausser l’évaluation des entreprises.
Dans le cadre de la régulation des coûts de production nucléaire, il est essentiel de réexaminer les méthodes comptables afin de mieux refléter la réalité économique, en prenant en compte les coûts réels de remplacement des équipements et leur durée de vie effective.
Cette réévaluation est d’autant plus urgente à l’heure où les enjeux de transition énergétique et de rentabilité des investissements dans l’industrie nucléaire sont au centre des préoccupations économiques et politiques.
Référence bibliographique :
Laisney, M. (2024). Avis présenté au nom de la Commission des Affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) – Tome IV : Écologie, développement et mobilité durables – Énergie. Assemblée nationale. Disponible sur : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/AVISANR5L17B0462-tIV.html
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Par Alexis Vessat, docteur en économie de l’énergie, expert en systèmes énergétiques européens.