La légitimité institutionnelle de la Commission européenne semble désormais reposer sur une dynamique continue de réformes, présentées comme des réponses techniques à des dysfonctionnements supposés ou réels.
En réalité, cette logique produit un enchaînement incessant de modifications structurelles — parfois redondantes, souvent mal coordonnées — dont la finalité première semble être de justifier l’existence même de l’appareil technocratique qui les conçoit.
La Commission européenne propose la création d’un opérateur unique de couplage de marché (SMCO) pour les marchés de l’électricité day-ahead et intra-journaliers, afin de simplifier la gouvernance actuelle jugée trop fragmentée et inefficace. Ce SMCO, juridiquement indépendant et placé sous supervision conjointe des NEMO et GRT, devrait être opérationnel d’ici 2031. L’objectif est de renforcer l’efficacité et la rapidité des améliorations du marché, en supprimant les redondances actuelles. Toutefois, des réserves persistent, notamment de la part des bourses historiques et des traders, qui redoutent un manque de transparence et un risque de défaillance centralisée. Les États membres doivent transmettre leur position d’ici le 1er août 2025, avant une consultation publique ultérieure.
Ce réformisme permanent instaure un état de changement perpétuel, où les acteurs de marché, les régulateurs nationaux et les opérateurs industriels sont contraints de s’adapter sans cesse à un environnement instable.
Or, cette instabilité normative engendre des coûts de transaction considérables : coûts d’apprentissage, coûts d’ajustement organisationnel, incertitudes juridiques, et perte de lisibilité pour les investisseurs.
Le paradoxe est que ces réformes, censées accroître l’efficacité, finissent par en détériorer les conditions mêmes.
Ce cycle autoréférentiel — réformer pour réformer — nuit à la prévisibilité, fragilise les compromis de long terme, et empêche toute évaluation rigoureuse des effets réels des dispositifs précédents.
Autrement dit, le système devient incapable d’apprendre de ses propres réformes, puisqu’il les remplace avant même de les avoir évaluées.
Au fond, rien ne fonctionne réellement, précisément parce que l’on réforme sans cesse.
Le système est pris dans une boucle réformatrice où l’instabilité devient structurelle, et où l’accumulation de changements successifs finit par neutraliser toute capacité de pilotage cohérent.
Chaque réforme est censée corriger les effets pervers de la précédente, sans jamais interroger les causes profondes du dysfonctionnement initial.
Ce phénomène d’agitation normative permanente empêche la consolidation des dispositifs, brouille les signaux de long terme, et déstructure les référentiels d’action.
Cela devrait pourtant alerter les gestionnaires publics comme privés.
Car à force de réviser sans stabiliser, de réguler sans évaluer, on assiste à un épuisement de la capacité d’anticipation et d’engagement.
Les opérateurs économiques, les acteurs institutionnels, et même les États membres n’ont plus le temps de s’approprier les réformes que celles-ci sont déjà remplacées.
Cela produit un climat de défiance, d’usure, voire de paralysie stratégique : face à un cadre mouvant, les décisions d’investissement sont reportées, les responsabilités diluées, et la logique de moyen terme sacrifiée sur l’autel de l’urgence réglementaire.
L’alerte est d’autant plus nécessaire que cette mécanique devient invisible à force d’habitude.
On s’habitue à ce que rien ne tienne dans la durée, à ce que chaque réforme soit une transition vers une autre.
Or, cette normalisation de l’instabilité constitue un risque systémique, non seulement pour les secteurs concernés, mais aussi pour la légitimité des institutions qui les pilotent.
Car un pouvoir qui ne cesse de réformer finit par donner le sentiment qu’il n’a jamais su gouverner.
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Finis rerum.
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Par Alexis Vessat, docteur en économie de l’énergie, expert en systèmes énergétiques européens.