En décembre 2023, le président de la République laissait entendre que la décision de construire huit réacteurs nucléaires de type EPR2, en complément des six déjà annoncés, était quasi-définitive.
Cette annonce ambitieuse semblait sceller l’avenir énergétique de la France, visant à renforcer la production nucléaire pour répondre aux défis environnementaux et énergétiques de demain. Pourtant, quelques mois plus tard, le discours de l’entourage présidentiel s’avère beaucoup plus mesuré, comme en témoigne un échange récent avec la presse le 14 mai.
Lors de cette rencontre, les conseillers d’Emmanuel Macron ont clarifié que, bien que le discours de Belfort ait effectivement fixé l’objectif de construire six réacteurs, les huit EPR2 supplémentaires restent à l’étude.
« Le discours de Belfort contenait cet objectif, cette commande ferme de six réacteurs qui sont en cours de développement par EDF, et des perspectives pour aller jusqu’à huit… En gros, 14 GW de puissance complémentaire. Lors du dernier conseil de politique nucléaire, [le chef de l’État] a confirmé que ces options feraient partie des scénarios à l’étude dans la PPE », ont-ils précisé. Ce flou souligne une prudence face aux défis et incertitudes actuels, notamment ceux liés aux nouvelles technologies énergétiques.
L’entourage présidentiel a aussi souligné la nécessité de diversifier les approches.
Le travail de l’État ne se limite pas aux réacteurs EPR2, mais englobe également le développement des nouvelles technologies de petits réacteurs modulaires (SMR) et avancés (AMR). Cette stratégie s’inscrit dans une vision plus large de l’avenir énergétique, où la modularité et l’innovation jouent un rôle crucial.
Cette temporisation pourrait être influencée par des facteurs conjoncturels significatifs.
Deux éléments majeurs incitent l’État à la prudence : un prix de gros de l’électricité très bas et une transition électrique moins rapide que prévue, notamment dans le secteur de la mobilité.
Certains défendent fermement la solution des SMR, plus flexibles et potentiellement moins coûteux à développer que les grands réacteurs de type EPR2.
ll existe un risque non négligeable d’envoyer un signal ambigu à l’industrie nucléaire. « On prend des engagements puis on les défait », soulignant ainsi le péril de cette approche fluctuante pour la crédibilité et la stabilité des politiques énergétiques.
Cette prudence gouvernementale, bien que compréhensible, ne manque pas de susciter des réactions dans le secteur industriel et parmi les défenseurs du nucléaire.
La France, forte de son héritage nucléaire et de son ambition de leader énergétique en Europe, se trouve à la croisée des chemins. Entre la nécessité de moderniser ses infrastructures et de maintenir sa compétitivité, et l’urgence de répondre aux impératifs écologiques et économiques, chaque décision doit être mûrement réfléchie. En fin de compte, la voie que prendra la France dans son développement nucléaire dépendra de nombreux facteurs interconnectés. La capacité à équilibrer innovation technologique, coûts économiques, et exigences environnementales sera déterminante.
L’Élysée, en temporisant sur les huit EPR2 supplémentaires, choisit pour l’instant de naviguer avec prudence, en gardant toutes ses options ouvertes pour un futur énergétique encore incertain.
Finis rerum.
Direction des Études Économiques.
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