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“En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu, et on persécute ceux qui sonnent le tocsin.” Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort, Maximes et pensées, caractères et anecdotes.

Je désire commenter cet article paru dans les pages de l’Humanité, intitulé « Fournisseurs alternatifs d’électricité : 72 % des concurrents d’EDF ont fraudé en 2022 », où Clotilde Mathieu, journaliste à la rubrique social-économie, offre un éclairage plus que sibyllin sur les demandes ARENH.

Cet diatribe ad nauseam traite de la question de la fraude et des amendes pour des comportements qui, selon toute vraisemblance, ne le sont pas. S’appuyant sur les conclusions de la mission d’information de la Commission des affaires économiques présidée par Mme. Dominique Estrosi Sassone et Mr. Fabien Gay, cet article suscite une certaine perplexité.

Selon cet article, en plein emballement des marchés de l’énergie à l’automne 2022, certains fournisseurs alternatifs de courant semblaient profiter des suites de l’invasion russe en Ukraine et des règles françaises complexes de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité.

Au centre de ces suspicions, l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) fournissait de l’électricité nucléaire d’EDF à moindre coût à ses concurrents pour favoriser la concurrence. Une mission parlementaire sur les conditions d’utilisation de l’Arenh a révélé que 72 % des fournisseurs alternatifs auraient abusé de ce dispositif. Cette fraude aurait entraîné une amende globale de plus de 1,6 milliard d’euros, remettant en question l’idée de l’Arenh comme instrument au service des consommateurs.

Les fournisseurs auraient manipulé ce système pour récupérer de l’électricité à bas prix et la revendre à profit sur les marchés. Les ajustements du gouvernement suite à la guerre en Ukraine auraient également été exploités, transformant l’Arenh en une source de profit pour certains fournisseurs et entraînant des pertes financières importantes pour EDF.

Ces pratiques ont également eu un impact sur les tarifs réglementés de vente de l’électricité, augmentant ainsi les factures des ménages. Les efforts de contrôle auraient révélé que ces fraudes se sont poursuivies en 2023, soulignant les limitations des paramètres de contrôle actuels.

Dans le domaine de la prévision, il est inévitable que des erreurs surviennent, d’où la nécessité des compléments de paiement pour rectifier les excès et des pénalités pour réprimer tout dépassement excessif.

Prenons l’exemple de la délibération du 29 juin 2023 : les demandes « excédentaires » pour l’année 2022 totalisaient 9 TWh avant écrêtement, représentant une augmentation de 5,6%, tandis que les demandes « excessives » s’élevaient à environ 1 TWh, soit 0,6% du total, entraînant des pénalités systématiques. Dans son analyse rétrospective, la CRE calcule les droits réels pour chaque bénéficiaire, ainsi que les quantités jugées « excédentaires » (CP1) et « excessives ».

Il est constaté que les demandes d’ARENH pour 2022 excèdent de 9 TWh les droits constatés ex post, soit une augmentation de 5,6%.

Cette situation révèle une grande disparité : 40% des fournisseurs ont une demande jugée « normale », tandis que 40 fournisseurs affichent une demande excédant de plus de 20%, dont 14 (moins de 1%) avec une demande dépassant le DOUBLE de leur droit constaté ex post.

Ces demandes sont remboursées à un prix élevé : 233€/MWh pour la quantité « excédentaire » CP1 et un supplément de 20€ (soit 253€/MWh) pour la quantité « excessive » CP2. Au total, cela représente 1,6 milliard € au titre du CP1 (6,8 TWh) et 21,6 millions € au titre du CP2 (1 TWh). Les pénalités au titre du CP1 sont redistribuées aux autres fournisseurs, tandis que celles au titre de CP2 vont à EDF.

Quant au prétendu « scandale » de l’ARENH, source de spéculation, les volumes « CP1 » représentent 5% du volume ARENH octroyé, et les volumes concernés par le CP2 (pouvant être qualifiés d’abus dans certains cas) représentent 1 TWh, soit 0,6%.

Il est donc essentiel de débattre de l’avenir de l’ARENH en tenant compte des autres enjeux de régulation du système électrique français.

« En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu, et on persécute ceux qui sonnent le tocsin. » On ne peut s’empêcher de songer à cette maxime du moraliste Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort au vu des termes « amendes » et « fraudes » qui demeurent inappropriés.

Il est plus juste de considérer les ajustements comme des corrections nécessaires. À l’inverse, certains fournisseurs n’ont pas demandé suffisamment et doivent donc être indemnisés pour pouvoir servir leurs clients, ce à quoi sert le CP1. Quant au CP2, il est versé à EDF mais déduit de la CSPE qu’il doit recevoir.

Finis rerum.

Direction des Études Économiques.

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